Historique
Dès l’origine de la domestication, les chèvres ont accompagnées les populations; des gaulois aux romains, des sarrasins aux révoltes paysannes, la chèvre poitevines s’est enracinées dans les terres du pourtour du marais poitevin. Composée de plus de 55 000 têtes au début du XXème siècle, une violente épidémie de fièvre aphteuse décime les populations en 1920. Les troupeaux sont reconstitués avec des souches prélevées dans les Alpes. Ainsi, au fil du temps, les troupeaux d’Alpin et Saanen se développent au détriment des Poitevins dont les effectifs n’ont cessé de diminuer.
Afin de redynamiser la race, l’Union des Coopératives de laiterie met en place un contrôle laitier pour améliorer ses performances dès 1947. Dans le même temps, un livre généalogique est ouvert et son standard est défini. Malgré tout, les effectifs continuent de régresser, le travail de sélection génétique, aidé par les lois de modernisation de 1962, favorise les races Alpines et Saanen, l’intensification et la spécialisation des systèmes de production laissent de côté la Poitevine.
En 1980, la sonnette d’alarme est tirée par le lycée agricole de Melle, il ne reste que 600 chèvres répertoriées. En 1986, l’Association pour la Défense et le Développement de la Chèvre Poitevine est créée et retrouve rapidement 29 éleveurs adhérents avec 1000 animaux. Depuis les effectifs n’ont cessé de progresser. En 2021, on compte environ 4800 chèvres laitières réparties dans 160 élevages en France dont 99 professionnels.
Histoire et renaissance de la Chèvre Poitevine – Clément VINATIER-ROCHE (pdf)
Spécificités de la chèvre Poitevine
D’un point de vue morphologique, la chèvre de race Poitevine se caractérise par sa grande taille, sa poitrine profonde, ses poils demi-longs et la coloration de sa robe brune foncée dite « cape de maure », le dessous et face intérieure des membres blancs, une liste blanche de chaque côté du chanfrein et des onglons noirs très résistants.
Dû à ces différentes caractéristiques, la chèvre poitevine convient remarquablement bien à des systèmes de production moins intensifs. En effet, sa grande capacité d’ingestion lui permet de bien valoriser des pâturages moyens et des fourrages grossiers. C’est une chèvre rustique, capable de résister à des conditions d’élevage parfois difficiles. Elle est réputée pour son caractère calme et docile, venant de la sélection opérée par les chevriers du temps où les animaux allaient au pacage. Enfin, elle est vraisemblablement la meilleure représentante des chèvres du rameau méditerranéen, qui a su trouver en Poitou-Charentes les conditions océaniques idéales à son épanouissement.
Production laitière
De manière paradoxale, les chèvres Poitevines ont été jusqu’en 1984 les plus fortes laitières avec 587 litres produits par chèvre et par an, contre 481 et 526 litres respectivement pour les chèvres Alpines et Saanen. Aujourd’hui, le travail de la sélection génétique réalisé depuis les années 60 sur ces deux races leur a permis de passer devant la production annuelle moyenne d’une Poitevine. Ce constat ne favorise donc pas l’adoption de la Poitevine dans certains élevages pour des raisons de rentabilité économique d’autant plus que la Poitevine est tardive comme le montre le tableau ci-dessous.
Nombre de lactations | 131 | 293 | 424 |
Durée en jours | 224 | 260 | 249 |
Production laitière en kg | 375 | 611 | 538 |
Matière protéique en kg | 11.7 | 18.5 | 16.4 |
Taux protéique moyen en g/kg | 31.2 | 30.5 | 30.7 |
Matière grasse en kg | 14 | 21.2 | 19.0 |
Taux butyreux moyen en g/kg | 37.2 | 35.3 | 35.9 |
Source : France Contrôle Laitier, résultats au Contrôle Laitier Officiel 2010 – Résultats collectés avec le soutien financier du PITE Marais Poitevin.
La production laitière est à regarder en connaissance des conduites de troupeaux et de leur alimentation. L’essentiel des éleveurs de chèvres Poitevines sont des fromagers. En 2009, les études économiques réalisées sur 89 troupeaux fromagers (essentiellement de race alpine et saanen), ont révélé une production moyenne de 592 litres lait par chèvre (résultats 2009 exploitations caprines – Institut de l’élevage)
Ceci étant, certains troupeaux de chèvres Poitevines au pâturage atteignent des moyennes de production de l’ordre de 750 kg. La production annuelle pour certaines chèvres dépasse 1000 kg dans plusieurs troupeaux.
Face à ces divers constats, l’ADDCP a mis en place une aide pour les éleveurs souhaitant suivre une forme de contrôle laitier. Ainsi, un plus grand nombre de références techniques pourront être collectées et donc la population poitevine sera mieux connue sur cet aspect. Il sera surtout un outil mise à la disposition des éleveurs pour les aider dans leur sélection.
Composition de son lait
L’un des plus grands atouts de cette chèvre est sans aucun doute la richesse exceptionnelle de son lait en « extrait sec », c’est à dire la matière azotée servant à faire le fromage. En 1994, des travaux de l’INRA ont montré que la fréquence d’allèles « forts » et « moyens » exprimant la synthèse de caséine αS1 ne dépasse pas 54% chez les deux races communément utilisées en France alors qu’elle est de 85% chez la chèvre Poitevine. De plus, le « variant B », dominant chez la Poitevine, est l’allèle « originel » des ancêtres des chèvres européennes. Cet élément confirme la primitivité de la race qui serait « la dernière représentante d’un type indigène commun » (Grosclaude et al., 1994). Toujours dans la même étude, les conclusions indiquent que les laits riches en allèles « forts » présentent des taux butyreux et protéiques plus élevés, et de bien meilleurs aptitudes à la coagulation, ce qui améliore la transformation ainsi que les rendements fromagers. Cette caractéristique permet d’obtenir des fromages de qualité organoleptiques qui lui sont toutes particulières.
Du gène au fromage (INRA 1994)
Tout ceci explique l’expression bien souvent allouée à la chèvre Poitevine : « C’est avec la meilleure chèvre que l’on fait les meilleures fromages ! ».